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terelle. C’est avec peine qu’ils avaient pu y retenir deux chambres. Tout était plein, et de Parisiens déchaînés qui, dès leur arrivée, vêtus de costumes de plage prenaient l’apéritif à la terrasse sous des parasols rayés rouge. Geneviève et Denis se jetèrent un coup d’œil désappointé. Voilà donc ce qu’ils étaient venus chercher ici ? Où était la baie sévère de Douarnenez ? Où, la grande solitude de la Vallée du Var ? La gaieté vulgaire qui régnait ici les glaça. Ils essayèrent en vain de se faire servir leurs repas dans leur chambre. C’est par la salle à manger forcée qu’ils durent passer. Elle fut dès le déjeuner affreusement bruyante. Un reste de gaminerie qui subsistait chez Denis lui permit cependant de prendre plaisir à la figure offusquée de Mlle Hedwige quand ces gens qui, dans un restaurant de Paris, eussent en silence décortiqué leur côtelette ou discrètement escamoté les feuilles huileuses de leur laitue, renversaient ici un saladier entier dans l’assiette de leur voisine, tandis que les dames passaient les os à leurs petits chiens gâtés qui se les disputaient hargneusement sous les tables, d’où de gros rires qui fusaient de partout. De ce laisser-aller de Parisiens en vacances, Mlle Hedwige semblait souffrir plus qu’elle n’eût su l’exprimer.

La gouvernante devait cependant subir une plus rude épreuve quand les Rousselière lui déclarèrent l’après-midi qu’ils emmèneraient Pierre avec eux dans une promenade. « Un caprice de parents ignorants de la pédagogie, » songea-t-elle méprisante. Ah ! bien autre chose et de plus dramatique ! une timidité qui les prenait soudain de se trouver seul à seul dans ce silence des bois, sacré comme celui d’un temple. Geneviève et Denis avaient peur de ce tête-à-tête dans la nature qu’ils eussent confronté avec ceux des