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le plus souvent en compagnie de son mari, j’apaise quelquefois mon cœur un peu… agité.

À un entretien si redoutable et qui avait conduit cette femme et ce mari au fin rebord d’un abîme, il ne pouvait être donné de conclusion, si ce n’est l’affreux silence de leur nuit blanche qui suivit. Dire un mot de plus, vain et inutile, ils se le défendirent. Le mari, lui, avait soulagé sa rancune accumulée depuis trois années. Mais Geneviève sombrait dans cette noire confidence d’une trahison larvée dans laquelle, sans faute apparente, même, avec une certaine innocence virtuelle, c’était à une autre femme que Denis avait apporté le plus intime de son cœur. Leur sort, au cours de cette nuit où leurs deux personnes immobiles et muettes, semblaient s’ignorer mutuellement, mais où un orage roulait dans leurs deux poitrines, était bien inégal. La douleur de l’un s’était soulagée de tant de reproches étouffés depuis trois années, s’était vengée, même, en se vantant d’une amitié amoureuse et ambiguë. Mais la douleur de l’autre, soudaine, imprévue, était dans toute la violence de son éclatement. Geneviève, au cours de sa vie heureuse de fille gâtée, de fonctionnaire adulée, d’épouse choyée, n’en avait jamais connu de telle. « Je ne pourrai jamais la supporter ! » disait-elle au Seigneur, comme une victime, comme la proie d’une injustice détestable, d’un châtiment immérité.

Elle qui n’aurait pu concevoir qu’un homme autre que Denis l’intéressât, même une seconde, était mise devant cette évidence que de l’aveu même de Denis, Denise servait de miroir à sa vie intérieure, à sa vie cachée la plus profonde. Sa véritable existence, la plus noble, celle de son esprit, de son âme était axée sur cette insignifiante jeune femme dont les moindres propos