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— Et c’est un ordre de Denise Charleman qui t’a retenu ?

— C’est un avis de Denise, comprends-moi bien, Geneviève. Si je suis resté, ce ne fut pas pour obéir à Denise, ni pour lui complaire, ni pour lui témoigner une soumission amoureuse. Mais parce qu’elle m’a démontré qu’on ne défait pas ainsi son foyer ; qu’il faut maintenir à tout prix son foyer, même précaire.

— Denise a donc déclaré notre foyer précaire ?

— Non, c’est moi. Elle, Denise m’a fait comprendre la vérité, a savoir que, a priori, je serai toujours beaucoup plus malheureux loin de toi que, même privé de toi dans un foyer que tu présides toujours.

Geneviève éprouvait un effondrement total de l’orgueilleux bonheur connu jusqu’ici. La confession de Denis, d’une si cruelle sincérité, ravageait toutes les illusions sur lesquelles cette jeune femme entière et avide avait fondé sa tranquillité béate. Cette domination amoureuse sur Denis qu’elle croyait détenir par les habitudes de la vie conjugale et de l’amour, c’était une autre femme qui l’exerçait. Et quelle femme ! Denise Charleman, cette cervelle d’oiseau ! Voilà près de qui il allait chercher ses directives, les décisions maîtresses de sa vie ! Elle eut à ce moment une minute de tel accablement qu’elle lança vers la porte un regard de prisonnier qui cherche une issue. Quelque chose d’intolérable pesait sur elle a quoi elle avait l’anxiété de ne pouvoir échapper. Elle se raidit cependant pour marquer beaucoup de sang-froid, de calme, de sérénité et prononça :

— Je dois beaucoup de reconnaissance effectivement à Denise Charleman grâce à qui j’ai conservé un mari qui voulait me fuir.

— Ma pauvre chère femme, repartit Denis