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il ne manque jamais de vous appeler pour une lettre à écrire d’urgence.

Les journées semblaient longues à Geneviève. Mlle Hedwige promenait au Bois dans un nouveau carrosse à deux places qu’on venait d’acheter, les petits Rousselière. De la cuisine, dans un bruit d’assiettes lavées et brassées, arrivait le son cuivré de la voix de Mme Poulut qui chantait mélancoliquement :

Ma mère avait un grand jardin
Rempli de lys et de jasmin.

Geneviève profitait de ses loisirs pour reviser l’armoire à linge. Elle s’installait devant la corbeille à ouvrage où posait tantôt un fin mouchoir, tantôt un drap bien lourd. Elle s’ennuyait de Denis. Impossible de se le dissimuler.

— Comme le mariage approfondit et accroît insensiblement l’amour ! se disait-elle. Certes j’aimais Denis quand je l’ai épousé. J’étais comme éblouie par sa juvénilité extrême de Méridional qui, malgré ses quatre ans de surcroît sur moi, lui conservait encore une sorte d’adolescence rayonnante, le matin mythologique d’un jeune homme. Aujourd’hui, mon Dieu ! qu’est-ce que mon amour incertain de jeune fille, cette séduction du fiancé, du jeune mari auprès de cette force pleine de mystère, plus puissante qu’un orage, qui m’enchaîne chaque jour plus à ce compagnon que je ne pourrais perdre, me semble-t-il, sans mourir. » Combien de fois, au milieu du fastidieux devoir des reprises et des ourlets, jetait-elle un regard sur son poignet où battait l’heure. « Dès six heures et demie, il peut être ici, pensait-elle, mais à la grande rigueur ! » En effet, six heures et demie et même sept heures passaient sans que Denis parût. Mademoiselle à ce moment avait fait dîner