Page:Yver - Madame Sous-Chef.djvu/205

Cette page n’a pas encore été corrigée

elle s’y décidait elle refusait de s’avouer sa déception :

— Le déjeuner eût été un peu court pour deux, se disait-elle.

Le soir, son attente se compliquait d’une appréhension un peu pénible.

— Quel visage vais-je lui voir à son arrivée ? Car c’était là son tourment inavoué : l’inconnu qui se cachait maintenant derrière le visage si enjoué naguère de ce fils de poète. Geneviève avait nettement conscience de ne plus y lire comme autrefois. Oh ! ce n’était pas qu’il ne fût toujours charmant et toujours enjôleur. Dès l’arrivée il entourait de ses bras, avec une facilité que lui conférait la parité de leurs tailles, les belles épaules robustes de sa femme. « Vous êtes bien jolie, ce soir, madame ! » Ou bien : « Bonsoir, la plus aimée de tout Paris ! » Mais Geneviève, la Bretonne profonde ne se laissait pas piper au son des mots. Elle le scrutait. Voyait à sa joue dorée un petit pli. Dans ses yeux de sombre velours une absence d’étincelle. — Comme des étoiles qui manquent dans un nocturne ciel d’orage.

— Pas d’ennuis là-bas ? Non ? demandait-elle.

« Là-bas » c’était le bureau. C’était l’endroit où se continuait sans elle une vie dont elle se trouvait un temps exclue ; dont, à vrai dire, elle s’ennuyait un peu. Elle eût aimé que Denis, avec son esprit piquant, lui en offrît au retour, des rapports, des visions, des potins. Mais il disait souvent la même phrase :

— La vie continue son train chez nous.

Ou parfois :

— On dit que dans ton ancien bureau le nouveau sous-Chef est tracassier. Le nôtre est toujours le même. Quand on approche de six heures