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sans que nous autres, parents ou domestiques, nous ayons à nous en mêler.

Geneviève s’était émue cette fois véritablement devant les grosses larmes de la vieille femme. Toute sa bonté foncière, que la vie au dehors passée dans les combats sournois que comportent les grandes agglomérations humaines avait jugulée et comme masquée, reprenait ses droits, l’heure venue :

— Madame Poulut, ne craignez rien. Vous savez que Monsieur et moi vous estimons beaucoup. Vous ne perdrez pas tout à fait Pierre. Nous exigerons que l’enfant qui vous aime tant, pour qui vous avez eu un tel dévouement, vous rejoigne et vous retrouve tant que son petit cœur le désirera. Puis-je vous dire mieux ?

Ce décret de la mère de famille, cet ukase apaisa Poulut, qui déclara sentencieusement :

— Madame est juste.

Geneviève fut très frappée de ce mot juste. Oui, elle voulait l’être. Elle s’appliquait à vivre d’une façon conforme aux justes droits de chacun et d’elle-même. Y parvenait-elle vraiment ? Elle en était sûre jusqu’ici. Juste envers elle-même, s’étant octroyé, non sans luttes, le libre jeu de son développement personnel. Juste envers les autres, également, mettant, au bureau, une application de tout son être à ne léser aucun droit particulier tout en défendant les droits de l’État lors des litiges dont les pièces venaient à sa connaissance. Juste envers les siens, à qui elle se regardait complaisamment donner d’elle tout ce qui leur était nécessaire — car elle se flattait d’avoir toujours tenu une exacte balance entre son foyer et sa profession. Ainsi, également, pouvait-elle se témoigner qu’en retour des libertés que son mari lui avait consenties dans sa vie de