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lait devant une telle douleur. Elle s’emparait, sous les yeux de la gardienne, de son gros poupon de fils, se laissait aller peu à peu à le dévorer de baisers et finalement l’emportait dans ses bras.

— Où va Madame ? interrogeait Mlle Hedwige en se planquant contre la porte.

— À la cuisine, mademoiselle, montrer à ce pauvre petit que sa bonne n’est pas loin.

— Il ne le faut pas, Madame. Il doit s’habituer à mes soins. Il doit oublier sa bonne. C’est une affaire de ténacité pendant quelques jours seulement.

Deux ou trois fois Geneviève, dominée par le principe souverain à ses yeux de la méthode, avait déposé à terre le malheureux bébé et s’était retirée le laissant aux prises avec le système éducatif de Mademoiselle. Mais, comme la scène se renouvelait, elle ne put retenir sa pitié pour son enfant.

— Vous voyez bien, mademoiselle, qu’il souffre autant et plus même qu’une grande personne.

Et, dans un coup d’État sensationnel, enlevant son fils, elle l’emporta vers la cuisine :

— Tenez, Poulut, je vous ramène votre petit Pierre !

Mme Poulut versa d’abondantes larmes, frotta son vieux museau hérissé de poils contre le tendre visage. Et Pierre la caressait de sa main courte et potelée, répétant dans son extase : « Poulut ! Poulut ! C’est Poulut ça ! »

— Je remercie Madame de me l’avoir amené, put enfin dire la vieille bonne. Cette « personne » est d’un caractère jaloux. Elle m’en veut de l’amitié que l’enfant me montre.

— Mais non, ma pauvre Poulut ! Elle n’en veut à qui que ce soit. Elle n’en est pas capable… Elle exécute seulement à la lettre son métier de gouvernante, qui lui donne tout pouvoir sur les enfants