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— Montes-tu avec moi serrer la main de Denise ?

— … C’est que ma mère m’attend pour déjeuner.

— Bast ! cinq minutes ! Denise est si seule toute la journée, et je ne suis pas, pour la distraire, un sacré Méridional comme toi !

Et Denis se laissant convaincre avec un certain délice, grimpait quatre à quatre pour entrevoir la princesse aux cheveux de fée « qui berçait son cœur orphelin ».

Celle-ci, les yeux obturés, bien incapable de comprendre avec son inexpérience de petite fille quel rôle singulier elle jouait dans la vie de ce jeune mari désenchanté, l’accueillait gentiment :

— Comment va Mme Sous-Chef ?

— Bien il me semble. Je la vois très peu vous savez. Je saute du lit, le matin, qu’elle dort encore, car mon trajet est fichtrement plus long que le sien.

— Mais le soir vous vous retrouvez au dîner ?

— Oh ! le soir, elle reste encore sous l’influence occulte des dossiers passionnants, oui passionnants, qu’on débrouille au Contentieux et pendant le repas les étale encore, imaginaires, sous mes yeux.

— Vous me faites l’effet d’un très méchant mari. Vous ne savez pas profiter de votre bonheur. Vous avez une femme si intelligente ! si intelligente ! Vous pouvez le soir, passer des heures bien intéressantes avec elle. Il n’est que de mettre une conversation en train. Moi je suis très bête et j’en souffre. Jean doit s’ennuyer avec moi. Il ne le montre pas, le cher ami ! Mais j’en suis sûre. Souvent il parle et je ne le comprends pas tout à fait. Je n’ose le lui avouer. Il va, il va et je ne puis le suivre. C’est de la philosophie, la destinée humaine, le progrès humain ; ou de la poésie : tout ce qu’il voit dans un rayon de soleil,