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Elle portait un binocle sur des yeux bleus insondables et elle intimidait les hommes comme les femmes, même ce Denis Rousselière, du bureau voisin, garçon si à l’aise avec les dames employées, avec ses confrères, avec la vie, avec tout ! Justement elle rentra, un gros dossier sous le bras, trotte-menu, avec son regard allongé jusqu’aux confins de son royaume. Les dactylos redoublèrent de vitesse. Geneviève Braspartz, la mort dans l’âme, remit à l’une de ses expéditionnaires la lettre litigieuse pour qu’elle fût tapée avant midi, puis ouvrit un autre dossier.

Bientôt, en effet, ce fut midi. L’un des premiers, Denis Rousselière descendit le grand escalier de pierre blanche à la rampe de fer forgé du dix-septième. Mais si tôt qu’il fût sorti, il s’était laissé cependant devancer par son ami Jean Charleman qui semblait l’éviter depuis quelque temps, et qui, aujourd’hui encore, filait devant lui au long de cet escalier comme un homme volant. Il le rattrapa à la dernière marche.

— Hé, là, hein, dis, vieux, tu me fuis ? Qu’est-ce que signifie ?

Charleman, un garçon doux et poli à l’extrême, sourit :

— Comment toi, si subtil, as-tu pu croire que je te fuyais ? Tu n’as pas subodoré la vérité et que je suis en quête d’un cher petit gibier si timide et si peureux qu’il détale avant la fermeture, crainte que je ne ternisse sa belle et innocente et si pure réputation ? Voyons, Rousselière, me connais-tu si peu ?

— Qui est-ce ? demanda Rousselière.

Charleman, partagé entre la crainte de voir fuir celle qu’il poursuivait et le souci d’offenser peut-être la grande amitié qu’il avait vouée à son camarade, prit le temps de répondre :