Page:Yver - Madame Sous-Chef.djvu/188

Cette page n’a pas encore été corrigée

qui n’avaient pas laissé inaperçue tout à l’heure la venue de l’huissier, arrivé ici de l’Empyrée ministériel pour la quérir, comme dans un conte de fée, en vue de sa haute destinée, se dirent entre elles :

— Qu’est-ce qui arrive à Mme Rousselière ? Veux-tu parier ma petite, que le poste de sous-chef lui a encore passé sous le nez ?

Quand, à midi, elle eut rejoint son mari dans l’escalier princier qui descendait à l’ancienne cour d’honneur, Denis ne put retenir un « Eh bien ? » tout frémissant de curiosité, car il n’ignorait déjà plus, grâce au manque d’étanchéité des deux services, la venue de l’huissier, l’appel dont elle avait été l’objet le matin.

— Je suis nommée, répondit-elle tout simplement, tout bas, sans joie, sans vanité non plus, sans nul triomphe.

— Tu es sous-Chef, Geneviève, et tu n’es pas venue me le dire sur-le-champ ? prononça le mari qui, en dépit de la crise secrète qu’il traversait et de ses griefs entretenus avec un soin malsain à l’égard de cette femme trop entière, ne pouvait se défendre d’une bouffée d’orgueil marital. À ton âge ! Pas trente ans et déjà madame sous-Chef ! Nous allons apprendre cela à ma mère, tout à l’heure, en déjeunant, comme ça !…

— Ah ! ne te presse pas de lui apprendre une nouvelle qui n’est pas si bonne, en définitive…

— Que veux-tu dire ? Es-tu nommée, ne l’es-tu pas ?

— Je suis nommée. Mais à Boulogne, au Contentieux de Boulogne.

— Bouffre ! lança tout bas le Provençal.

Geneviève eut une légère surprise de ne pas déchaîner chez son mari une réaction plus violente. Elle crut d’abord qu’il n’avait pas réalisé