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— Je vous suis infiniment reconnaissante.

Jamais peut-être elle n’avait mesuré à quel point elle aimait Denis. Denis ce mari exquis ; Denis ce bon camarade de ses journées ; cet ami délicat de leurs tendres nuits ; le compagnon léger de son travail ! Jamais elle n’avait non plus si bien compris à quel point il l’avait rendue heureuse. Certes, il y avait bien ses protestations un peu vives parfois contre une profession laquelle Geneviève s’accrochait avec tant d’ardeur. Mais bien des maris n’en eussent-ils pas dit davantage contre le métier de leur femme ? C’était l’état de défense naturel à l’homme contre tout ce qui menace ses droits sur sa compagne. Au fond, quelle liberté il lui laissait ! « Je fais tout ce que je veux, en réalité, » réfléchissait-elle avec un élan de reconnaissance. Et voici qu’allait commencer le divorce de leurs journées, la dislocation de cette charmante union dans le travail professionnel. Finis, finis à jamais leurs longs cheminements par les mêmes rues, les mêmes avenues ; la course au métro, accrochés au bras l’un de l’autre. Et elle le revoyait en pensée, lorsque dans la rame cahotante la foule séparait leurs deux êtres, les arrachait l’un à l’autre, cherchant son regard pour s’entendre encore avec elle, même de loin. Finies les bonnes histoires de leurs bureaux respectifs mais si voisins, qu’ils se racontaient l’un à l’autre ; cette communauté absolue dans le travail, dans la même atmosphère administrative, dans la poussière des mêmes cartons verts ! Denis ne connaîtrait même pas son bureau de sous-Chef !

Toute sa joie s’évanouissait. Ses vanités flattées n’étaient plus qu’un bouquet fané. Le plus cruel allait être d’informer Denis de cette catastrophe.

Quand elle revint au bureau, midi allait sonner. On la vit si préoccupée que les jeunes dactylos