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voisin, si je ne me trompe, de votre domicile, circonstance que, comme mère de famille, vous apprécierez, j’en suis sûr.

Geneviève ne répondit rien. Le grand patron la crut accablée par le bonheur. En fait, elle venait de recevoir un coup de massue. Seule une vérité l’avait atteinte dans le discours académique du Directeur : son travail, sa vie de bureau allait être arrachée à celle de Denis. C’était le divorce dans leur labeur. Elle avait trop goûté pendant trois années l’âpre plaisir de partir dans le petit matin aux côtés de ce mari si cher afin d’aller gagner son pain près de lui, dans la même atmosphère, pour ne pas connaître un effondrement à la nouvelle que tout cela, cette communauté d’existence, cette union de deux êtres cheminant sous le même joug et au long du même sillon allait se terminer. Mais ce n’était pas du tout ce qu’elle avait rêvé ! Mais elle aurait voulu pouvoir protester ! Mais n’était-il pas temps encore de refuser ce bel avancement qui ruinait son bonheur intime ?

— Vous semblez surprise, madame, ne put s’empêcher de remarquer le Directeur.

— Surprise… Oui, monsieur ; c’est cela surprise. Je ne m’attendais pas à cette mesure particulière… Je vous remercie d’y avoir songé.

Un mot flottait sur ses lèvres, prêt à s’envoler : « … Mais je refuse. Je ne puis accepter… » Le dirait-elle ? Tout à coup, elle vit en imagination une petite carte de visite portant cette inscription :

MADAME DENIS ROUSSELIÈRE
Sous-Chef de Bureau au Contentieux
Ministère X

Et elle ajouta seulement tout haut, en se retirant :