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audacieuse, un peu poussée à la nervosité par les circonlocutions du grand patron :

— Monsieur le Directeur, finit-elle par dire plaisamment, il fallait nommer aussi M. Rousselière. Cela eût ménagé les… convenances, les préjugés qui ne veulent pas qu’en aucun point une femme puisse dépasser son mari !

— Ah ! Ah ! Ah ! dit avec réticence le Potentat, qui condescendit à ne pas se fâcher parce que c’était cette petite Rousselière à qui, pour sa valeur on passait des libertés, vous en demandez trop, chère madame ! Votre mari est fort intelligent disent ses notes, mais il ne possède pas à un très haut point l’esprit administratif. Il fait un rédacteur passable, malgré sa fantaisie ; il serait un chef détestable. Son père était poète, je crois ?

— Oui, c’était le félibre Rousselière.

— Mauvaise hérédité, voyez-vous, madame, pour un fonctionnaire des bureaux de l’État. Votre mari est, je le sais, un homme charmant. Mais il devrait s’appliquer davantage à posséder l’esprit administratif. Dites-le lui de ma part. Dites-lui aussi que pour lui éviter ce que la nomination de sa femme comme sous-Chef à ses côtés pourrait avoir de blessant à l’égard de ses susceptibilités, nous avons fait une mutation entre le ministère et nos services annexes de Boulogne, où se trouve le contentieux. Un sous-Chef de Boulogne viendra remplacer ici notre regrettée collaboratrice, et vous-même, madame, êtes nommée à ce poste de Boulogne. Cela dit au nom du ministre, laissez-moi en mon nom personnel y ajouter mes félicitations. Vous serez une très jeune sous-Chef. Vous battez le record de l’âge. Vous n’avez usé d’aucune intrigue. Cette nomination va à votre seule valeur. Votre nouveau poste se trouvera