Page:Yver - Madame Sous-Chef.djvu/182

Cette page n’a pas encore été corrigée

tueux. Ces deux-là ne disaient pas grand’chose, mais croyaient se comprendre. C’est-à-dire que la limpide Denise s’imaginait avoir rendu ce mari tenté à l’amour de sa femme, tandis que le mari tenté se flattait que la claire Denise eût deviné le culte qu’il lui avait voué. En fait, on ne pouvait imaginer plus obscur malentendu, fossé plus profond que l’erreur qui séparait ce Denis de cette Denise. Mais chacun se croyait d’accord avec l’autre.

— Si je n’ai pas ce poste-là avant la naissance de mon bébé, calculait Geneviève, c’est fini. On ne nomme pas sous-Chef une mère de famille nombreuse, et, comme c’est de quoi je prends le chemin à ce rythme — : Deux enfants en trois années de mariage ! — Je suis bien exposée à demeurer ma vie entière Rédacteur à la troisième Direction. À moins de passer avant d’avoir avoué ma seconde maternité.

Son grand souci moral elle ne l’extériorisait pas. Elle n’en fatiguait pas son mari. Elle était assez forte pour le porter seule — craignant d’ailleurs d’être peu comprise de ce compagnon qui faisait si bon marché des ambitions de sa femme. Puis la pensée de ce nouveau petit enfant commençait à l’attendrir elle-même : « Si ce terrible petit être me joue le tour d’arrêter mon essor, de barrer pour toujours ma carrière, se disait-elle maintenant, est-ce que je lui en tiendrai rancune ? Est-ce que toute ma vie je l’en rendrai responsable ? Ah ! sûrement non ! Avant tout, ce sera mon petit à moi ; c’est-à-dire, comme Pierre, plus que tout ! Mais je voudrais leur créer à tous les deux une existence large et facile, faire ma vie, enfin, comme je l’ai rêvée à dix-huit ans !