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pincée, elle prononça sèchement en ramassant les pièces du dossier :

— C’est bien, monsieur, je regrette de vous avoir dérangé.

— La chose n’en valait pas la peine en effet, mais cela n’a pas d’importance.

— Soyez tranquille, je ne recommencerai pas. Et ses beaux yeux humides se durcirent pour envelopper le jeune homme d’un fluide d’animosité vengeresse. Pour celui-là il s’en retournait à son bureau voisin, tranquillement, comme indifférent aux charbons qu’il venait d’amasser sur sa tête. Quant à Geneviève Braspartz, elle saisit nerveusement une feuille de papier pour signifier au citoyen dont elle avait embrassé la cause, que l’administration n’avait pas cru pouvoir lui accorder les indemnités réclamées. Elle le fit dans cet admirable style des bureaux français qui sous son air banal et gourmé dit si ponctuellement ce qu’il faut, sans une virgule inutile, sans un mot équivoque, mêlant à la sécheresse une imposante majesté.

Le bureau était une immense salle claire garnie de tables, éclairée de hautes fenêtres qui s’étaient ouvertes au grand siècle sur le parc de quelque célèbre pair de France. Ces murs de ce qui avait été jadis une somptueuse galerie, étaient nus aujourd’hui. À l’intérieur, des vitrages étaient ménagés pour verser un peu de jour sur un cabinet de Chef de bureau ou des antichambres contiguës. Au fin bout, dans une cage de verre assez vaste pour délimiter sa considérable bien que relative autorité, siégeait la Sous-Chef, une vieille demoiselle dont la prodigieuse mémoire était tellement légendaire dans ce département ministériel qu’on recourait à elle de toutes les Directions pour les cas obscurs de législation ou de jurisprudence.