Page:Yver - Madame Sous-Chef.djvu/174

Cette page n’a pas encore été corrigée

élèverai-je de beaux enfants en dehors de cette autre carrière ? » C’était entre eux la barrière cadenassée d’un affreux dissentiment.

Alors le chant à Denise, cet appel secret de son âme vers cette douce et idéale jeune femme se fit plus impérieux en lui. Il martelait la cadence de son pas quand, à cette époque, Denis se rendait seul au bureau :

Ô Denise aux cheveux de lin
Ô Denise aux cheveux de fée
Tu berces mon cœur orphelin
D’un regard de tes yeux câlins
Ô Denise si bien coiffée
De tes cheveux couleur de lin…

C’était enfantin, stupide et suave à la fois. Cela le berçait ce soir où, passant par-dessus ses scrupules de mari délicat et timoré, au lieu d’aller rejoindre Geneviève après le bureau, il suivit Charleman pour retrouver dans le petit appartement aux boiseries blanches du Boulevard des Invalides cette créature mystérieuse qui exerçait sur lui un si indéfinissable pouvoir. Il se savait trahir un peu Geneviève en allant demander à une étrangère moins un secours, un conseil, que la revanche d’un moment de joie, — cette joie si calme, si fine, si extraordinaire qu’il goûtait auprès de Denise. Il n’avait d’ailleurs nullement caché à Charleman le « réconfort que lui donnait, dans certains moments de mélancolie, la sagesse tranquille de cette petite Denise. » Si bien que celui-ci par gentillesse d’ami sensible et confiant, prétexta une course en arrivant au boulevard pour que Rousselière montât seul. Son cœur simple associait sa femme à sa solide amitié pour Denis. Qu’aurait-il pu redouter d’un loyal camarade ? Qu’il nouât de l’intimité avec Denise ? Mais l’es-