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Au bureau, les jeunes dactylos s’excitaient sur le cas de la sous-Chef et de son remplacement. Ce n’était un secret pour personne que le Chef venait passer des matinées entières au petit bureau vitré, y brassait des papiers, y revisait le classement des dossiers en retard et recourait parfois inopinément à Mme Rousselière. Il ouvrait alors brusquement sa porte transparente pour donner l’éveil, et quand Geneviève avait dressé la tête là-bas dans la galerie, il lui faisait signe de venir. Alors elle se levait avec un empressement qui n’échappait pas à cette jeunesse folle et curieuse et se rendait en hâte à l’appel de son supérieur.

— As-tu remarqué, ma petite, si elle se dépêchait, Rousselière, quand le Chef l’a fait venir ? Elle s’y voit déjà en titre dans le bureau vitré !

— Moi, je ne l’y vois pas encore. Rousselière est bonne en rédaction mais elle est trop jeune, ma petite. Songe donc, tous ces vieux commis-là, ça leur ferait mal au cœur d’être sous les ordres d’une femme qui n’a peut-être pas trente ans !

— Trente ans ! Tu me fais rire ! Il y a quinze ans qu’elle est dans le bureau.

— Quinze ans ? tu te moques de moi ! Dix, à peine. Et puis ce n’est pas une question d’âge. L’autre, la vieille aux rhumatismes qui approchait de la retraite ne lui venait pas à la cheville. Combien de fois Rousselière l’a dépannée quand elle avait des embêtements ! Car vous savez, Rousselière, elle est peut-être un peu fière, pas très « causante », mais je ne l’ai jamais vue dire quelque chose d’injuste, et quant à son intelligence, il faut avouer que nous sommes toutes des têtes d’âne à côté d’elle.