fait une scène, lors de mon départ, ou quand Mme Poulut a omis quelque soin nécessaire. Va ! je sais bien que tu aurais préféré en moi une perfection comme Denise Charleman. Sans doute ton ami Jean est-il plus heureux que toi. Mais tu reconnaîtras avec moi que mes appointements n’ont pas été d’un trop grand surcroît dans le ménage. Ma situation nous est nécessaire. Et juste au moment où je la vois en passe de se développer, de m’amener aux emplois supérieurs, voilà que la perspective de ce bébé va tout remettre en question. Car c’est très joli pour un directeur d’avoir dans ses services une « Madame sous-Chef ». Encore faut-il que cette personne qui fait un métier d’homme ne soit point par à côté, chargée d’enfants, toujours en congé, à la merci d’une rougeole chez son petit dernier ou d’une scarlatine chez le troisième. Dans ce cas-là, une femme n’est plus que « tolérée », tu comprends ?
— Geneviève, reprit Denis, devenu grave comme il ne l’était jamais, tu parles exactement comme si tu avais été mise au monde pour devenir Rédacteur au Ministère et de là t’élancer vers les plus hauts grades ; comme si ta vie était conditionnée par cette existence bureaucratique ; comme si le seul milieu propice à ton épanouissement total était les cartons verts. Quant au reste, la maison, la famille, nos enfants, notre amour, Geneviève, notre amour : un supplément, un accessoire, que dis-je ! un impédiment… Ainsi, parce que notre petit cosmos intime, notre foyer va s’enrichir d’un être nouveau, notre chair, notre vie — et cependant une personne humaine qui n’était pas hier, qui sera demain, et parce que notre ménage va devenir de plus en plus le type de la plus belle et de la plus chic société qui soit, c’est-à-dire une famille, au lieu de surabonder de joie, je te