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ginant par exemple qu’il aurait trop exprimé devant sa femme son culte poétique et secret pour Denise Charleman, qu’elle aurait surpris son admiration pour elle et jusqu’au parallèle qu’il traçait, malgré lui, entre ces deux épouses si opposées.

Et puis un matin, l’orgueilleuse Geneviève, qui se flattait de dominer toutes ses faiblesses, s’effondra en larmes sur l’épaule de son mari.

— Ah ! mon pauvre Denis ! Je ne puis plus avoir de doutes. Ce que je redoutais… Oui… C’est-à-dire, encore un enfant qui nous arrive…

— Est-ce vrai ? s’écria le jeune homme, délirant alors d’une joie soudaine, délivré de ses sombres soupçons, placé devant un nouveau bonheur quand il redoutait au contraire le châtiment de ses rancunes. Ah ! ma femme chérie, et tu dis : encore ! Aurais-tu donc voulu que Pierre fût un enfant unique comme moi, ce qui m’implique tant de mélancolie, si tu savais ! Aurais-tu désiré qu’il ignorât ce qu’est une famille gaie, bruissante, éperdue de jeunesse et de joie vivace comme la tienne ? Mais c’est une bonne, une très bonne nouvelle que tu m’apprends, chérie ! J’aurais voulu m’en réjouir plus tôt.

— Ah ! reprit Geneviève accablée, j’espérais me tromper…

— Mais, Geneviève aimée, pense à cette joie, à cette gloire d’avoir peut-être un autre fils !

— Je pense à la lutte secrète que j’ai dû subir contre toi pour conserver ma situation au Ministère, malgré la venue de Pierre. Oh ! c’était une guerre bien camouflée. Tu n’as jamais exigé que je démissionne. Tu ne m’as jamais imposé ton désir. Mais ton désir était si clair, mon pauvre Denis ! Des mots échappés çà et là. Des silences surtout. Ton seul regard le matin, quand Pierre