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à laquelle il tendait ses petits bras, étouffant de sanglots, suffoquant, plein d’un reproche affreux. Et il y avait sous ses cils noirs des prunelles claires qui demandaient nettement pourquoi on l’avait ainsi abandonné. Geneviève fut bouleversée, moins d’être témoin d’une telle douleur chez son petit bébé que de découvrir à quel point de la vie secrète il était déjà parvenu sans qu’elle s’en rendît compte.

Avec une sorte de sauvagerie maternelle qui la gagnait soudain, elle s’empara de l’enfant et s’enferma avec lui dans sa petite chambre, suspendue au-dessus de l’abîme du Var, comme une aigle couvant son aiglon. Elle le serrait contre sa poitrine, l’appelant à la mode bretonne « mon mignon à moi ! », lui demandant pardon de l’avoir laissé ; surtout de n’avoir pas encore deviné qu’il était une petite chose affective, capable de souffrir. Et comme personne n’était là pour l’entendre, elle lui disait, en couvrant de baisers tout son petit corps robuste :

— Ta maman t’aime, mon trésor ! Ta maman, t’adore !

— Pauvre gosse, disait Denis, le lendemain, ce sera un sentimental.

— Il faudra le raffermir, en faire un homme, dit Geneviève qui s’était reprise.

Quelques jours encore et ce furent les derniers adieux aux îles de Lérins, à l’Esterel. Puis le réembarquement pour Paris.

« Poulut », la veuve méthodique et consciencieuse qui soignait dévotement l’enfant des Rousselière, fut retrouvée avec joie par ce bébé à la petite âme déjà si fortement esquissée. Elle avait