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sacrifices faits à la carrière de son fils. De sa bru, elle se montrait assez fière. « Cette Geneviève est vraiment « sortable » se disait-elle à part soi, plaisantant avec elle-même, en pince-sans-rire, comme avec ses partenaires. Je suis jalouse d’elle. Cela est élémentaire, mais ne m’empêche pas de voir juste. Elle est orgueilleuse de sa valeur, cela aussi crève les yeux. Elle n’en fait pas moins une chic créature généreuse, délicate, sensible. Je lui dois ce beau voyage et d’avoir revu mon pays, ce à quoi je n’osais plus m’attendre avec mes rentes maigriottes et qui vont dépérissant. Elle me l’a offert sur ses propres apports dans la communauté, sur ses propres appointements. Peut-être a-t-elle vu là une élégante façon de se faire pardonner un métier que nous aurions souhaité qu’elle abandonnât pour appartenir à son foyer. Mais il fallait encore y penser. Toutes les belles-filles n’auraient pas eu une telle idée qui a quelque chose de charmant. Geneviève a compris ce qui m’apporterait le plus de bonheur. C’est de quoi je lui sais gré. C’est quelque chose comme la clémence d’Auguste dans l’antiquité. À ce banquet des Félibres, elle a fait bonne figure de Parisienne intellectuelle, un peu sanglée dans sa raideur bretonne qui opère toujours sur nous, gens du Midi. Enfin mon enfant est heureux. N’ai-je pas de quoi bénir le Seigneur sans restrictions ?… »

Au retour à l’auberge, dans la vallée du Var, le petit Pierre qu’on avait confié aux soins de la jeune hôtesse, donna pour la première fois les signes d’une sensibilité qui parut à tout le monde prématurée. Lui qui était demeuré taciturne depuis le matin, sans un cri, sans une larme, mais aussi sans vouloir goûter aux bouillies préparées, éclata en pleurs en voyant arriver sa mère