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Sarrasins, essayait en vain de l’arracher à la côte en fête. « Tu comprends, lui disait-elle, ce qui m’intéresse dans ta Provence, c’est moins ce côté aride et mélancolique qui la rapproche de ma Bretagne, que cette joie colossale du littoral qui sent déjà un peu l’Afrique et forme pour moi un spectacle éblouissant. Tu es ici un sentimental comme je le suis en Bretagne. Moi, tout simplement la touriste éperdue qui découvre la joie de la lumière ! »

Pendant leurs excursions Mme Rousselière gardait son petit-fils, le promenant dans les chemins pierreux, dans la poussière où les petits pieds enfonçaient jusqu’à la cheville. Mais elle eut aussi sa part. Le Félibrige ayant connu sa présence, les invita tous trois à Grasse pour la fêter dans une réunion et un banquet. Son léger sourire persifleur qui semblait prendre de haut les événements de la vie ne trompa point ses enfants : elle était ravie. Au dessert, on récita des vers du poète Rousselière. Denis, chez qui la langue provençale remontait des profondeurs obscures de la mémoire, improvisa un petit quatrain en l’honneur de Mistral dans lequel il disait au grand homme de la Provence, le père génial de Mireille, qu’ayant délaissé les Filles du Soleil pour celles de la Pluie, il lui en amenait une aujourd’hui pour le fêter au nom des brumes bretonnes. Il eut un succès bruyant comme on sait en faire dans ce « coin » — là. Geneviève, aussitôt considérée par ces lettrés d’imagination charmante comme une Muse venue en effet du pays d’Armor pour rendre hommage au grand Barde provençal, fut acclamée dans une langue qu’elle ne comprenait pas ce dont elle ne fut que plus émue.

Mme Rousselière se voyait payée aujourd’hui de quinze années de renoncement, d’obscurité, de