Page:Yver - Madame Sous-Chef.djvu/16

Cette page n’a pas encore été corrigée

épilés, une taille un peu au-dessus de la moyenne, mais une allure douce et tranquille, une sorte de nonchalance dans les mouvements qui faisait sa grâce et une partie de son autorité en ce bureau. On ne la jalousait pas. Sa supériorité de rédacteur apparaissait toute naturelle. On disait volontiers : « Braspartz, c’est un as. » Mais aucune des dactylos n’aurait su justifier en l’expliquant, les raisons de cette opinion. Braspartz était ainsi. On ne la discutait pas.

Ce matin-là, — ceci se passait en 1930 — elle revenait de chez le Chef avec un dossier dans lequel on la vit se plonger, le front barré d’une petite ride. Sous l’effort cérébral en effet, son front semblait se gonfler comme les biceps d’un portefaix.

C’était une vieille histoire que celle de ce dossier qui revenait d’une Préfecture du Centre avec la protestation de l’intéressé dont on semblait en effet avoir méconnu les droits. Geneviève Braspartz prenait fait et cause pour celui-ci. Au bout d’un nouvel examen, elle alla décrocher le téléphone de la Sous-Chef, absente de son petit bureau vitré et appela :

— Dites-moi, Rousselière, vous ne pouvez pas venir deux minutes jusqu’ici ?

On entendit un bourdonnement confus et empressé, et Braspartz n’avait pas rejoint sa place qu’entrait dans la grande pièce blanche avec une hâte impossible à dissimuler un garçon d’environ trente ans qui portait tous les traits du Méridional de l’Est, chez qui la gentillesse et la grâce de la Provence et quelque chose de la Grèce antique demeuré sur cette côte, tempèrent les violences que connaissent un Roussillonnais par exemple ou un Basque. Denis Rousselière était grand, noir de cheveux, doré de peau et, selon l’expression de son pays, droit comme une allumette. Ses cils battirent,