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du petit Pierre. Denise riait en silence. Les silences de Denise plaisaient à Denis. Ils lui semblaient une supériorité. Ils lui donnaient envie de se taire à son tour par ressemblance avec elle. Déjà ne portaient-ils pas le même nom : Denise, Denis. Coïncidence… Est-ce que Charleman se rendait compte de son bonheur d’avoir épousé Denise ? Non, probablement. Oh ! il se trouvait certainement heureux. Mais est-ce que son bonheur n’avait pas quelque chose de surnaturel, de miraculeux qui tenait à l’essence poétique de Denise ? Le savait-il, ce Charleman sans très profonde subtilité ? Ce Charleman tout d’une pièce ?…

Ainsi allaient après le repas, dans la fumée des cigarettes, les pensées de Denis. Il écoutait en même temps la verve de Geneviève et les silences de la timide Denise. L’atmosphère était agréable. L’esprit de sa femme lui donnait de la vanité vis-à-vis de Charleman. Il n’était pas fâché que son ami la connût sous ce jour brillant. Évidemment elle éclipsait l’humble Denise.

Tout d’un coup un voile se fendit devant sa vue intérieure, lui montrant une vérité claire comme le jour : il était injuste à l’égard de sa femme, occupé sans cesse à faire son procès, Un vrai juge d’instruction.

— Pourtant je l’aime bien. Je ne pourrais me passer d’elle. Que puis-je lui reprocher ? Elle est d’un caractère égal, enjoué. Un peu ambitieuse peut-être. Mais n’en a-t-elle pas le droit, consciente comme elle est de sa valeur ? Je ne m’ennuie jamais dans sa compagnie. Combien de maris peuvent en dire autant ! Ainsi, Charleman… Je l’envie, c’est évident, d’avoir épousé cette jeune fée sauvageonne de Denise qui est, qui reste un enfant. Mais, qui me dit que Charleman ne trouve pas quelquefois ses soirées un peu