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MADAME SOUS-CHEF


I

— Tu sais, ma petite, cette Denise qui n’a l’air de rien ? Eh bien, ma chère, elle sort tous les jours du bureau avec Charleman, le Rédacteur. Il l’attend, soit dans la cour du Ministère, soit dans la rue.

À droite et à gauche de la dactylo qui avait ainsi parlé, le grésillement des mots sur le papier s’arrêta net comme une grêle d’orage sous un sourire du soleil et ses deux voisines demeurèrent béantes, leur petite main potelée en l’air dont on voyait l’index teinté de violet par le ruban.

— Elle n’a pourtant rien d’extraordinaire… dit celle de gauche.

— Ah ! ah ! rectifia celle de droite, elle a ses cheveux ! Du lin, ma petite, du vrai lin. Et tu sais… pas ça de platine. Nature, nature.

— Pour moi, ça va faire un mariage, reprit celle du milieu. Denise n’est pas une fille à…

Mais la porte s’ouvrit, Mlle Braspartz, rédacteur dans ce bureau, rentrait prendre sa place à sa petite table particulière. Et comme si un gros nuage d’orage était survenu dans la pièce et crevait sur le papier, l’averse de grêle inonda de nouveau les feuilles à l’en-tête ministériel.

Geneviève Braspartz n’était pourtant pas d’aspect sévère. Vingt-six ans, de beaux yeux châtain légèrement humides sous des sourcils à peine