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car elle espérait ferme ce poste et elle se savait supérieure à Duval pour le tenir. Mais la pensée de revoir dans un instant son petit Pierre la consolait de tout.

Malheureusement, la consolation dont elle avait si grand besoin, ce soir-là en particulier, lui manqua. Bébé se lamentait au fond de son berceau, quand ses parents ouvrirent la porte. Il avait eu plusieurs vomissements l’après-midi, avoua Mariette et refusait son biberon du soir.

Une angoisse en disproportion avec ce malaise de nourrisson leur barra la poitrine avec une dureté cruelle. Ils sentaient le malheur suspendu sur eux. On était aux premières chaleurs de juin. Mariette imputa cet accident au temps qui se montrait orageux. Denis était le plus accablé. Il croyait son petit garçon perdu. Geneviève en avait vu d’autres, lors du nourrissage de ses jeunes frères. Néanmoins sa première idée fut d’alerter un médecin. Le téléphone était dans l’immeuble. Elle y courut. Bientôt, entre les deux bouts du fil, ce dialogue s’engagea :

— Docteur, mon petit bébé, qui a un an passé, a été pris aujourd’hui de vomissements tout à fait inexplicables.

— Qu’avait-il absorbé dans la journée ?

— Mais, me dit-on, comme d’ordinaire : deux biberons, une bouillie, un peu de jambon gratté.

— Et tout cela était d’une fraîcheur parfaite ?

— Je crois… enfin, je pense… je ne sais pas. J’ai un emploi au Ministère, docteur, qui me retient toute la journée.

— Alors, qui soigne votre enfant ?

— Ma jeune domestique.

— Il vaudrait mieux que ce fût vous !

Ces sept mots du médecin s’enfoncèrent comme des pointes cruelles dans le cœur de Geneviève.