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— Pourquoi avez-vous quitté cette place ? demanda Geneviève.

— Parce que j’étais trop fatiguée. Madame, là-bas aussi, travaillait dans un bureau, et deux jumeaux c’est éreintant.

Raison très probable qui convainquit la mère anxieuse du petit Pierre et lui fit engager sur-le-champ la nouvelle servante. Mais on s’aperçut vite que celle-ci ne valait pas la droite, consciencieuse et spontanée Ninette. Ninette sans détours ; Ninette si naturellement bonne ; Ninette si sincère. Mariette adorait ne rien faire et pour approcher de son mieux cet état passif, objet de ses rêves, s’abstenait de toute occupation qui, à la rigueur, pouvait être éludée.

L’enfant était un fort bébé bien bâti, brun comme sa grand’mère Rousselière avec — sous de beaux cils les yeux bleu clair et si profonds du grand-père Braspartz. Quand ses parents revenaient le soir du bureau, ils pressaient le pas pour le trouver encore éveillé.

Leurs bras étaient tout frémissants à la pensée qu’ils le soulèveraient bientôt de terre, le serreraient contre leur poitrine ou aideraient ses pas menus sur le parquet ciré du studio.

La bienvenue que ce petit être leur réservait, ses trépignements de joie, ses légers cris de plaisir à leur entrée étaient pour eux à l’avance un enivrement. Arrivés, ils passaient là avant le coucher de leur enfant, dont Geneviève se chargeait, des minutes délicieuses. Le jour où l’on apprit au bureau que le père Floche, le vieux sous-chef de Denis était officiellement nommé à la cinquième Direction et que Duval, le rédacteur inscrit au tableau en même temps que Geneviève, « le vieux racorni », comme elle disait, le remplaçait, elle en avait reçu secrètement une affreuse blessure,