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— Êtes-vous heureuse au moins, Ninette ? Ah ! dit Ninette, si je suis heureuse ! Mon agent est si doux ! De la Bretagne comme Madame. On dirait plutôt un infirmier qu’un agent. Avec cela soigné, rasé tous les jours ! Je l’ai connu en promenant Bébé. Il me faisait traverser la place…

Et à mesure que la petite fille du peuple de Puteaux déroulait son roman et ouvrait son cœur en joie, le ménage s’attendrissait sur cette idylle, oubliait les difficultés qui allaient naître ici du bonheur même de leur jeune servante.

— Ne vous préoccupez pas de nous Ninette, dit Denis. Nous vous regretterons beaucoup, mais nous nous réjouirons de vous savoir heureuse.

Alors les rôles furent renversés. Ce fut Ninette qui éclata en sanglots et c’est Madame qui dut, malgré qu’elle en eût, la consoler en représentant à Ninette que la voie où elle s’engageait était la voie normale, nécessaire…

Mais quand la petite bonne eût quitté la pièce, Denis et Geneviève demeurés face à face se regardèrent, pris d’une véritable angoisse. C’était fort bien d’avoir fait le sacrifice de Ninette. Mais qui soignerait leur enfant désormais ? Et qui mènerait la maison en leur absence ? Geneviève connaissait toutes les pensées qui roulaient dans la tête ronde et bien faite de son mari provençal. Il était assez fondé aujourd’hui à dire que dans un ménage où la femme demeure à la maison ces dramatiques occurrences ne se produisent pas. Une épouse gardienne du foyer peut avoir de l’ennui et de la peine à perdre une domestique fidèle. Cette perte n’a pas le tragique qu’elle présentait chez les Rousselière, où, avant deux semaines le ménage devait avoir trouvé une inconnue à laquelle il confierait sa maison et son cher Trésor. Tous les arguments