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mais c’est une petite fille fière qui tient à garder le contrôle de tous les mouvements de son cœur.

— Monsieur l’agent, dit-elle enfin, avec une sévérité où se mêle malgré elle la douceur de l’amour, je ne vous connais pas véritablement. Je voudrais vous avoir fréquenté davantage avant de vous répondre. Mes patrons sont absents toute la journée, travaillant au Ministère. Je suis seule au septième, là-bas dans le grand immeuble du coin. Vous n’aurez qu’à demander l’appartement de M. Rousselière.

— Alors vous ne dites pas non, mademoiselle ?

— Je ne dis pas oui non plus, reprend Ninette avec un petit sourire fripon qui dément un peu ses sévérités de fille sage.

C’est ainsi que Ninette ne s’ennuie plus maintenant. Chaque fois que son agent en a le loisir, il vient lui faire de petites visites. Il a même réclamé un service de nuit afin d’être libre l’après-midi. Il vient en civil pour ne pas attirer l’attention. Ninette le reçoit dans la cuisine pendant que le petit Pierre dort. Elle avait bien tort d’être méfiante, de craindre ce garçon, si réservé, qui l’embrasse si gentiment qu’elle n’aurait pas honte que Madame les vît.

Il a voulu visiter sa chambre à l’étage supérieur. « De là, on a un panorama à la hauteur, » avait dit Ninette. Lui, ce qu’il désirait, c’était connaître l’endroit où dormait sa chérie, son petit domaine, ses petits objets personnels, les photographies de sa famille, choses plus touchantes pour lui que les casseroles des patrons inconnus qu’elle servait. Ninette n’a pas demandé mieux. Bien souvent, quand le gosse est endormi, ils montent au huitième…

Voilà comment un jour, Mme Rousselière, la veuve du poète, relevant d’une longue grippe, et