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— Et le petit, quel est son nom ?

— Pierre.

— Ah !

L’agent est ainsi venu jusqu’à l’orée du Bois. Un souffle tiède passe qui sent la jeune feuille. L’agent est en face de Ninette, sans rien dire, la paume appuyée sur un tronc rugueux d’acacia. Tout à coup :

— Mademoiselle Ninette, j’aimerais bien avoir de gentils gosses comme celui-là et que vous soyez leur maman.

Ninette songe aussitôt malgré le trouble où elle se sent emportée comme dans un grand tourbillon : « Que penserait Madame, si elle me voyait ici, et si elle entendait ce garçon ? Et qu’est-ce que je répondrais si elle pouvait m’entendre ? Je ne veux pas refaire le coup de ma cousine Berthe qui a suivi le premier venu et qui a ensuite été abandonnée avec sa petite fille ; ni comme mon amie Marie qui est tombée si bas que maman me défend de la voir ! Oh ! Madame ! que faut-il répondre, car j’ai tant envie de l’aimer, mon agent ! »

Peut-être qu’un peu d’effroi a passé sur le visage de Ninette. Peut-être que sa tentation, son anxiété, son trouble ont marqué sur le bleu de ses yeux, car le jeune agent qui interroge ardemment ses traits craint d’avoir été brutal. Il ne le voulait pas. Il croyait avoir trouvé une formule gentille pour lui faire entendre qu’il l’aimait. Et voilà qu’il l’a bouleversée au contraire.

Mademoiselle, je ne voulais pas vous offenser. Je vois bien que vous êtes une jeune fille sérieuse. Je ne suis pas vieux, mais voyez-vous, un agent, ça sait un peu juger son monde. C’est me marier avec vous que je voudrais…

Ninette a la gorge toute contractée. Une joie jusqu’ici inconnue l’inonde. Les tempes lui battent,