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V

Ninette, à la maison, commençait à s’ennuyer.

Maintenant, l’hiver aux journées courtes prenait fin, sourdement bousculé par la saison nouvelle qui semblait sortir mystérieusement de terre, entre les pavés, par Les fentes du bitume de l’immense Paris d’où montait une buée tiède bien visible. Pour Ninette, c’était par là que venait le printemps.

Voici tantôt deux ans qu’elle avait la vie austère chez Madame. Pas beaucoup d’occasions de rire un peu. Le travail, la servitude de la tâche, elle en avait l’habitude depuis l’âge de sept ans où, dans le taudis de Puteaux elle embiberonnait ses petits frères. Mais il y avait alors les dimanches où l’on s’en allait à Meudon, une bande de gosses du quartier avec les grandes sœurs et leurs bons amis. Les jours de grosse paye de son père, même, on avait plusieurs fois déjeuné sur l’herbe au Bois de Boulogne en y apportant pour plus de quarante francs de charcuterie sous les bras. Un mois que c’était passé, on y pensait encore à ces bombances-là. Mais ici, tous les jours étaient semblables. Si seule, du matin jusqu’au soir avec le « loupiot » !

Souvent, surtout quand le petit Pierre était endormi, il lui prenait des envies de pleurer qu’elle ne s’expliquait même pas, car, comme elle se le disait à elle-même : « Il n’y a personne de mort dans ma famille, et je ne suis pas malheureuse. »