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attristées par des propos d’une banalité navrante qui surprenait entre de tels êtres. Denis, qui s’était montré le plus blessant, se sentait le plus mortifié, donc souffrait davantage. Moins apte que Geneviève à porter sans secours une peine intérieure, il aurait voulu pouvoir confier à quelqu’un ce qu’il endurait. Mais la matière était trop délicate, et la dernière personne près de laquelle il eût pu s’en ouvrir était sa mère. Tout, au contraire, pour que cet esprit si clairvoyant et si caustique à l’occasion, ignorât les profondes déficiences qu’il reprochait à sa femme !

Bien souvent alors sa pensée se portait avec une certaine douceur vers le ménage ami, les Charleman qui donnaient le spectacle d’une idylle calme et fraîche comme un paysage virgilien. Il lui semblait que prendre contact avec ces jeunes époux l’apaiserait, le rassérénerait, lui redonnerait l’équilibre perdu. Mais Geneviève ne se plaisait pas spécialement dans leur compagnie. Elle trouvait Denise « insignifiante » ; Jean, trop ouvertement amoureux de cette Ophélie silencieuse. Elle disait carrément : « Ils sont un peu ennuyeux. »

Le dimanche suivant, néanmoins, comme ils avaient déjeuné chez les Braspartz, à Montmartre avec le petit Pierre, dans le joyeux tumulte familial et l’abondance verbale des garçons qui ne tarissaient pas, Rousselière émit, un peu hésitant, la proposition qui le démangeait :

— Chérie, si nous allions voir les Charleman pour leur montrer Bébé ?

— Oh ! dit Geneviève réticente, c’est bien loin avec l’enfant.

Et elle ajouta :

— Tu pourrais y aller seul et je rentrerais avec Ninette.

Le mari accepta. Il trouvait même que c’était