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former le corps. Je sais bien ce que je dois à ma mère ma plus chère amie, comme je l’appelle. On blague un peu les hommes élevés par une femme. Je ne me sens pas particulièrement efféminé et je n’ai pas d’ordinaire la tremblotte. Mais ce que je sais bien, c’est que les types que je connais et qui n’ont pas eu de mère attentive à leur enfance, à leur adolescence, au développement de leur vie intérieure manquent toujours plus ou moins de cette vie qui met quelque chose de mystérieux, de secret, d’illimité dans notre âme.

Geneviève avait une grosse envie de pleurer. Mais bien trop fière pour s’y abandonner, elle cherchait à pousser une pointe elle aussi, ce qu’elle ne pouvait jusqu’ici, entre les propos trop serrés et trop rapides de Denis.

— Comme tu es bien du Midi ! finit-elle par dire. Comme tu dramatises aisément ! Pour une rage de dents de Bébé, il te paraît qu’il renie sa mère ! Qu’il se plaise aux jeux enfantins de Ninette, je te le concède ; mais, vois avec quelle confiance il s’est calmé et endormi dans mes bras. Je sais bien, entre Ninette et moi, laquelle il préférera toujours. Tes rêves concernant son éducation sont exactement les miens. Je n’ai pas abandonné mon fils. Il me semble que tu aurais pu me faire crédit sur ce point et compter sur moi pour placer notre enfant au premier rang de mes préoccupations.

Ce fut le premier conflit vraiment regrettable qu’il y eut entre eux. Pendant plusieurs jours, sans mots amers, sans discorde violente, sans cris, ils se gardèrent rancune. Avec une angoisse que leur orgueil se refusait à reconnaître, chacun sentit l’amour diminuer dans le cœur de l’autre. C’était une menace affreuse. Leurs allées et venues répétées entre la maison et le bureau se faisaient en silence ou