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es la première venue pour ce petit être ; et je me demande comment tu ne sens pas naître au fond de toi-même une jalousie incoercible contre l’autre femme qui te l’a pris.

Je prétends faire plus pour mon fils en améliorant ma situation au bureau, en lui préparant une jeunesse large et aisée qu’en sacrifiant, pour obtenir ses sourires et ses faveurs à sept mois, à un an, le mode de vie fécond que mes appointements me permettront de lui assurer un jour. Il m’en remerciera à dix-huit ans, et tu conviendras peut-être ce jour-là que seule j’avais raison. Et comme le bruit de leurs voix qui s’étaient élevées à leur insu avait calmé le petit Pierre, lequel avait saisi son pouce et s’endormait dans le creux du bras maternel, Denis, moins âprement, continuait :

Il est autre chose dans l’existence que l’argent, et dans l’épanouissement de l’être humain que l’intensité spéciale apportée d’aventure par l’argent. Il m’importe peu qu’à dix-huit ans mon fils puisse s’offrir sa petite voiture-qu’il ne devra d’ailleurs qu’au travail de sa mère, aussi bien que les sports d’hiver et la fréquentation des théâtres riches… Mais j’ai rêvé qu’il ait une âme subtile, pure et fière : une vie ardente composée atome par atome de tous les éléments féconds que nous y aurons déposés par notre patient désir de perfection pour ce jeune être. Ces éléments impondérables, qui finissent par constituer la dignité humaine chez un enfant, c’est presque inconsciemment qu’entraînés par leur bonne volonté les parents les lui offrent au long cours des jours. C’est leur attitude même d’éducateurs qui exerce cette fonction chez eux. Et quand je dis les parents, je me trompe, car c’est de la mère surtout que je veux parler. C’est elle qui continue l’âme après qu’elle a fini de