Page:Yver - Madame Sous-Chef.djvu/124

Cette page n’a pas encore été corrigée

soins dévoués de la part de Ninette au long du jour, une telle assiduité auprès de l’enfant, l’austérité même de sa vie recluse, cloîtrée avec son nourrisson — mise à part la promenade bien sévère au Bois où elle poussait la voiture dans les contre-allées boueuses — tout cela méritait bien une récompense ; et la mère savait que la jeune servante aussi trouvait un plaisir puéril dans cette baignade du bébé,

— Ninette est vraiment parfaite, convenait Denis avec elle.

Bébé fit bientôt ses dents et en souffrit. Mâcher son poing ne le calmait plus. Ninette, agile comme un chat, s’emparait de lui quand il criait et, virevoltant avec lui dans une sorte de valse, étourdissait son mal. Lorsque la crise se produisait le soir et que Geneviève se trouvait présente, c’était elle qui le prenait et le dodelinait à sa manière. Mais elle n’obtenait aucun résultat. Un jour où la rage fut plus violente, Geneviève qui ne parvenait pas à l’apaiser, au grand énervement de son mari, vit arriver de la cuisine, en coup de vent, Ninette alarmée. Et la petite servante, emportée par son instinct et comme indignée qu’on eût empiété sur ses prérogatives, se précipita sur l’enfant qu’elle arracha à sa mère.

— Que Madame me le donne, dit-elle après coup. J’ai l’habitude.

Geneviève n’avait pas plus tôt enduré cette sorte de violence et entendu cette phrase qu’instinctivement ses yeux se portèrent sur le mari aux réflexes rapides qui déjà avait changé de visage. Elle craignait qu’il ne s’emportât contre Ninette, ne lui fît une scène, car elle lui connaissait le sang vif. Il dit seulement avec une colère contenue :

— Ninette, rendez le petit à Madame.

Ninette obéit mais, servante gâtée, s’en re-