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Au déjeuner, chez la mère de Denis qui allait recommencer d’héberger ses enfants au repas de midi, il ne fut question que de cette histoire de pièces administratives égarées comme des moutons dans des bergeries qui n’étaient pas les leurs. Denis ne fut pas fâché de répéter devant sa mère la phrase du chef de Geneviève : « Votre esprit clair aura vite fait de démêler les erreurs commises. »

Votre femme finira ministre, mon cher ami ! repartit sa mère, sans qu’on sût ce qu’elle cachait sous le sourire de ses yeux énigmatiques.

— Je ne vise pas si haut, ma mère, reprit la jeune femme, mais j’avoue que j’espère bien ne pas moisir comme rédacteur.

— Bah ! riposta la veuve du félibre en regardant son fils, on peut être rédacteur toute sa vie et ne pas sentir le moisi.

Geneviève trouvait sa belle-mère charmante. Mais elle était trop amoureuse de Denis pour ne pas sonder souvent le passé de ces deux êtres qui s’étaient adorés trente ans sans qu’elle les connût. Elle ne parviendrait jamais elle le savait bien — à cette harmonie secrète avec Denis que possédaient leurs deux esprits réglés au même diapason. Elle savait aussi qu’il ne se pouvait qu’ils ne fussent souvent du même avis contre elle. Mais Geneviève se flattait de ne s’abandonner jamais à rien d’instinctif. Et quand une parole de sa belle-mère la piquait au passage, comme une guêpe, elle se secouait en pensant : « Ah ! j’en ferai autant pour la femme de mon fils, plus tard… » Et là-dessus s’efforçait à une amabilité visible. Ainsi aujourd’hui ne quitta-t-elle pas Mme Rousselière sans lui dire :

— … Et j’espère bien, ma mère, qu’en notre absence, vous ne vous priverez pas d’aller chez