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tous les dossiers attendus par les autres Directions. Une vraie fringale de travail. Parfois le nom affreux de diphtérie venait zébrer devant elle les ténèbres de l’avenir… Si son petit chéri, un jour… Allons ! Pourquoi penser une telle chose ! Il s’agissait uniquement aujourd’hui de faire oublier à ses chefs sa carence de trois mois, de leur montrer que sa maternité n’ôterait rien à son pouvoir de travail, ce pouvoir qui lui était reconnu et dont elle était si fière jusqu’ici.

Ses désirs furent vite comblés.

À peine installée, le chef la fit appeler. Il y avait à ce moment au bureau une affaire assez embrouillée de dossiers envoyés à telle et telle Préfecture du Sud-Ouest. Des erreurs grossières avaient été commises dans le classement des pièces de sorte que des documents essentiels avaient été non pas perdus, mais interchangés ; un imbroglio. « Au fond, madame, une chose bête comme chou, disait le patron, mais qui se présente mal et qu’il faut éclaircir. Nous savions que vous alliez bientôt revenir, de sorte que nous vous avons attendue pour la régler, convaincus que votre esprit clair aura vite fait de démêler les erreurs imputables à quelques esprits distraits d’ici et de rétablir l’ordre. »

À vrai dire, pour Geneviève, il s’agissait de ce qu’on appelle en style bureaucratique une « tuile ». Son chef, en échange de cette corvée, lui devait bien l’onction de quelques compliments. Mais une telle aménité ne trompait pas. Le chef qui n’était rien moins qu’un flatteur lui avait dit : « Votre esprit clair aura vite fait de débrouiller les affaires des autres. » Ainsi, il l’avait mise à part. Elle tenait ici aux yeux de ses supérieurs une place exceptionnelle. Cela pouvait bien s’acheter par quelque corvée glorieuse. Quel gage pour son avenir !