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inutilisable pour cause de profusion. Elle n’en savait que faire, n’aimant ni courir les magasins, ni faire des visites. Elle montait souvent rue du Mont-Cenis, mais n’y trouvait que Mme Braspartz affairée à sa cuisine — les frères vaquant à leurs études — et trop absorbée par ses sauces ou ses entremets pour suivre une conversation intime. Parfois c’était chez sa belle-mère qu’elle allait bavarder. Elle trouvait pleine d’esprit la veuve du félibre. Malheureusement cette femme aimait trop Denis. Nous détestons ceux qui croient aimer plus que nous ceux que nous aimons, bien que nous estimions que là-dessus ils se trompent. Et Geneviève, qui cependant s’en défendait devant sa propre conscience, était jalouse de Mme Rousselière. Après une courte visite, elle rentrait par les chemins les plus longs.

Au fond, elle s’ennuyait du Ministère…

Alors elle se reprocha de ne pas s’intéresser davantage à Ninette. Plus maternelle qu’elle ne le croyait elle-même, Geneviève se sentait une secrète tendresse pour cette enfant de dix-sept ans à la vie remplie de si lourds devoirs. Si Ninette éprouvait parfois de grosses bouffées de rancune contre celle qu’elle appelait avec humeur souvent « la patronne », disant qu’elle l’accablait de travail « comme on charge un âne », c’est-à-dire tant qu’il peut résister — ce qui était faux, car c’est Ninette qui s’emparait en quelque sorte des besognes comme d’une conquête, — il était des heures où une douceur pénétrait son cœur enfantin auprès de cette belle jeune femme si douce pour elle, Un jour, se défaisant d’une lourde chape de sauvagerie qui l’étouffait, elle avait pu, dans un élan, proférer ces mots : « J’aime bien Madame ! » Geneviève en avait eu les larmes aux yeux. « Moi aussi, Ninette, avait-elle répondu, je vous aime