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plus précieux que ces instants bien rapides, c’est vrai, — quelques secondes — où il sonnait sur leur seuil, où il entendait son pas glissant et tranquille arriver par l’antichambre, le frôlement de ses doigts sur la porte, et où il éprouvait au cœur une si tendre langueur en imaginant d’avance la forme chérie qui allait apparaître ?…

Et cette image apparaissait. Elle l’enlaçait de ses : bras. Et il prononçait la vieille phrase classique et éternelle de l’homme qui rentre chez lui : « Le repas est-il prêt ? »

Présentement, Rousselière connaissait de nouveau la tranquillité de ces repas pris chez lui, dans leur petite salle à manger dont les dimensions avaient été sacrifiées à celle du salon. Geneviève n’était plus pressée, ni essoufflée comme naguère chez sa belle-mère en dépliant sa serviette au déjeuner. C’était un moment de détente absolue. « Un petit moment éternel », disait-il en riant.

Pour sa femme, ces circonstances jouaient bien différemment et, à vrai dire, la désorientaient. Elle ne savait pas s’occuper à la maison. Ninette, avec une prestesse de jeune chat, escamotait le ménage, soignait le petit Pierre et, retrouvant les gestes quelle avait connus près de ses petits frères au maillot, le faisait virevolter sur ses genoux d’un tournemain pour le laver ou le langer. Geneviève disait à son mari : « C’est Ninette qui me donne des leçons. Je n’ai rien à lui apprendre ! »

Quelle force un tel propos donnait-il à ses théories sur l’élevage et le nourrissage d’un enfant qui, d’après elle, peuvent être confiés à une étrangère éprouvée, tandis que la mère reste libre de pourvoir avec son mari aux besoins du ménage !

Mais, de ce fait même elle se sentait désœuvrée. Le temps qui lui était concédé soudain avec trop d’abondance paraissait entre ses mains une valeur