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ensoleillée et voilait un instant d’une gaze les collines assombries déjà. Mais les jours étaient si lents à décroître en ces mois caniculaires, — que personne ne s’apercevait du déclin de celui-ci. On s’attardait. On trouvait les jeunes Rousselière exquis. Geneviève, avec sa réserve bretonne mais cette supériorité intellectuelle qui s’affirmait sans qu’elle le sût, avait ravi son monde. Denis, lui, avait distribué à chacun un peu d’esprit et le sourire de ses yeux luisants. Il était huit heures que les bavardages sévissaient encore dans le salon du jeune ménage. La notairesse donna le signal du départ. Ensuite ce fut la dislocation bruyante, de longs adieux. Quand Denise Charleman serra la main de Rousselière, ils échangèrent dans un regard quelque chose de subtil et de grave. Denis murmura :

— Au revoir, Notre-Dame du Bon-Conseil !

Les mois de congé de Geneviève s’écoulaient bien vite. Août fut passé par le jeune ménage dans une délicieuse auberge de la baie de Douarnenez. Le petit Pierre — à qui l’on avait donné le prénom du félibre Rousselière, tué glorieusement à l’offensive de Champagne quand son fils avait quinze ans — passait une partie de ses jours étendu sur le sable si fin et si doux de la « Lieue de Grève ». Jamais Denis n’avait tant chéri Geneviève qu’en cette seconde année de ménage où le premier tumulte un peu orageux de son bonheur s’étant apaisé, il en prenait conscience davantage, admirant sa femme avec plus de calme et, pour ainsi dire, de sang-froid. Son amour pénétrait son être entier, ses pensées, le rythme même de sa vie. Et il comprenait aujourd’hui cette expression : « Respirer pour quelqu’un. » Lorsqu’ils étaient tous trois devant la mer monotone et que Denis sen-