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ne put s’empêcher de lui poser une question :

— Dites-moi, petite madame, vous n’avez jamais regretté votre vie de bureau, ni cette sorte d’indépendance à l’égard du mari que possède une femme qui gagne son pain par ses propres moyens ? Ni ces allées et venues qui font que, dès le matin, on prend contact avec le dehors, l’air vif, et la couleur des pensées du monde ? Ni les petites histoires du ministère, ni cette vie en commun avec trente ou quarante personnes qui s’aiment plus ou moins mais qui s’amusent les unes les autres réciproquement quoique en secret ? Dites, d’avoir laissé tout cela du jour au lendemain, cela ne vous a produit aucun effet ?

— Si, répondit Denise gravement ― et dans ces cas-là, cela pouvait prendre un air de sagesse profonde qui venait des chambres secrètes de son âme si ; cela m’a produit un effet merveilleux de délivrance. Pour nous, le bureau, ce n’est pas la vraie vie.

Et elle ajouta, car elle avait le doigté fin :

— À moins qu’on ne soit une femme de valeur comme Geneviève qui y trouve l’intérêt d’une carrière brillante.

— Carrière pour carrière, reprit Denis, il n’en était pas de plus belle pour elle que de rester à la maison pour élever notre petit garçon, comme vous, vous élevez votre fille à qui vous consacrez tous les instants de votre journée.

— Vous voyez bien que je l’ai abandonnée aujourd’hui où je l’ai amenée chez maman, qui a gémi, d’ailleurs, car elle se souvient du temps où il y avait à la maison de jeunes spécialistes venues de Suisse pour nous élever…

— Vous êtes gentille, de panser ma blessure comme vous pouvez. Oui, je ne vous cache pas que j’ai passionnément désiré que ma femme fît