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Par bonheur les tables roulantes du goûter arrivaient poussées par Ninette grave et digne et l’une de ses amies, toutes deux vêtues du demi-deuil coquet aux lisérés blancs des nurses. Le nourrissage du bébé fut à l’instant oublié pour la réfection des grandes personnes. Les quatre frères de Geneviève remplaçant les jeunes filles absentes firent gentiment les honneurs des petits fours. À ce moment Denis chercha quelqu’un des yeux. Il avait à la main une tasse de thé dont il semblait en peine. Presque aussitôt ses yeux s’arrêtèrent sur Denise Charleman bien modestement assise sur un tabouret à côté d’une ancienne collègue du bureau dont elle écoutait le bavardage et les potins. La maternité n’avait pas changé Denise. Elle gardait son air effarouché d’enfant timide et ses yeux de petite fille sous ses cheveux de lin. Toujours appliquée ici à être aimable, comme naguère au Ministère à copier correctement les circulaires ou la correspondance elle semblait à Rousselière comme l’image même de la douce sagesse féminine. Il se pencha pour lui offrir la tasse. Elle s’excusa presque de l’avoir dérangé. Mais il y avait un autre tabouret libre près d’elle. Il s’y assit, lui demandant des nouvelles de sa fille. Alors sur cette piste la timorée Denise partit à toute allure : « Songez donc, Rousselière, elle commence déjà à comprendre mille choses. Sa joie quand elle aperçoit sa baignoire ! Je vous jure qu’elle sent l’heure comme une grande personne, car dès qu’il est midi, elle commence à s’agiter en attendant l’arrivée de son père. Vous savez, je ne le dis qu’à vous car on me trouverait stupide, mais je suis certaine qu’elle sera assez intelligente.

Denis se sentait le cœur mordu d’un sentiment bizarre et trouble, à vrai dire indéfinissable. Il