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Elle était toute frémissante de plaisir. « Ah ! le directeur avait dit cela : « Vous avez là une personne de haute valeur ? » Et cette crainte qu’on avait maintenant en haut lieu de la perdre ! « Pensez-vous qu’elle abandonne ? » Ainsi, c’est à ce point qu’on tenait à elle ? Aux yeux de ses chefs elle paraissait nécessaire ! Après de telles phrases, tous les espoirs lui étaient permis. Elle sentit lui monter à la tête comme la chaleur d’un vin puissant. Sous son bras, le bras du cher mari orgueilleux d’elle, tremblait aussi. Elle ne se donnait pas deux ans pour arriver à ce titre de sous-chef qui dissimule sous la restriction de son adverbe une telle autorité dans un service. On dirait d’elle : « Ah ! ah ! cette grande Braspartz, sous-chef à son âge ! nous savions bien que c’était un as ! » Elle Jouissait ce soir de ce titre comme si elle l’avait déjà obtenu, pas fâchée de soupeser déjà le désappointement de certains de ses confrères masculins à qui elle couperait l’herbe sous le pied. Et elle se disait, en pensant à la modestie, à l’amour de son mari : « Cher Denis ! je le connais, lui sera bien plus flatté de mon avancement qu’il ne l’eût été du sien ! »

En effet, dès qu’ils eurent laissé chez lui Charleman, et se retrouvèrent seuls sur le boulevard, leurs deux visages d’un commun accord se tournèrent l’un vers l’autre et se sourirent victorieusement.

— Chérie ! dit Denis, comme je suis fier de toi ! C’est vrai, dans tout le Ministère il n’y a pas une femme qui te vienne au genou. Mais, dis-moi, lorsque tu atteindras aux emplois supérieurs, n’auras-tu pas honte d’un pauvre diable de rédacteur comme mari ?

— Oh ! Denis ! prononça Geneviève avec une sorte de piété, car elle éprouvait un malaise sou-