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Je surveille ses loisirs, lui fais lire des livres que je choisis ; je lui donne des billets pour des cinémas capables de lui suggérer par l’image des idées saines. Enfin je m’efforce, en lui adoucissant le servage, de faire envers elle mon devoir de patronne tel que je le conçois et tel que je le lui expose, c’est-à-dire tendant à l’incorporer à la maison, un peu à la famille.

Denis vint à la rescousse :

— Et Ninette adore Geneviève, vous savez ! Figurez-vous que d’elle-même, cette pauvre gosse élevée dans un milieu terriblement misérable, a voulu spontanément, depuis qu’elle sait sa maîtresse un peu fatiguée, lui apporter son thé au lit le matin, avant le bureau. On ne l’en fera pas démordre. Ne trouvez-vous pas cela charmant ?

— Je trouve cela charmant mais n’excluant pas la légèreté d’une fille de dix-sept ans, qui aura des journées entières la responsabilité totale d’un petit enfant fragile dont l’organisme mystérieux soumettra de continuels problèmes à ses nourrices.

— Mais, ma mère, Ninette a dix fois plus d’expérience que moi en ce qui concerne les nourrissons. Songez donc, dans sa famille, il y eut quatre bébés après elle !

Il y a expérience et expérience, répliqua la mère de Denis. Mieux vaudrait un sage ennemi qu’un ami imprudent, quelquefois…

Le plus gêné des trois se trouvait être Denis, qui pensait comme sa mère et parlait comme sa femme. Là-dessus, dans le petit salon où s’étaient passées les bonnes et les mauvaises heures de son adolescence, de sa jeunesse, un peu amolli par la tiédeur du lieu, la douceur du divan sous la bibliothèque — celle où se pressaient dans le fauve chagrin de leur reliure, les œuvres de son père — il se mit à