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poussière, valise, voilette, se trouvait devant eux, souriante, silencieuse. Elle fut d’abord touchée de la joie sincère de ses cousins qui l’accueillaient avec l’hospitalité fervente du Parisien, si heureux de recevoir, si épris de l’imprévu, si curieux de toute diversion apportée à sa vie coutumière. Elle venait, disait-elle, pour noyer ses idées noires, pour reprendre un peu d’entrain au contact de Paris, car elle s’était mise à s’ennuyer là-bas. En effet, quand elle eut ôté sa voilette, on lui trouva un pauvre visage amaigri, tiré, où luisaient deux grands yeux languissants. Au dîner, elle ne mangea rien. Le soir, Jenny Fontœuvre vint elle-même l’enclore du paravent, la border dans le canapé-lit de l’atelier. Alors, la jeune fille levant sur elle son regard fatigué :

— As-tu revu Nicolas Houchemagne ?

— Aperçu seulement une fois au Salon, et c’est tout.

— Il ne vient jamais à ton jour ?

— Jamais.

— Ah ! soupira Jeanne en fermant les yeux.

Ses traits exquis eurent une petite contraction. L’artiste, illuminée d’une divination soudaine, lui demanda :

— Tu… tu l’aimes donc ?

— Oh ! à en mourir !

Et comme la petite Fontœuvre, très émue, gardait le silence, Jeanne poursuivit lentement, les yeux toujours clos :