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surnaturel était dans le visage, un visage fort, un visage sans sexe, qui souriait. Ce devait être l’Ange de l’allégresse. On se sentait soulevé, tiré jusqu’à lui ; son contentement serein vous gagnait ; on l’aurait idolâtré. Son mystère était infini, et le peintre n’avait pas obtenu cet effet en esquivant les formes ; il ne les avait pas enveloppées d’une vapeur, il n’avait pas fait un désincarné. Ce pur esprit avait embrassé véritablement, amoureusement la forme humaine dans toute sa beauté, dans sa vérité, dans sa vigueur. La couleur était grasse et copieuse ; la pâte substantielle comme de la chair vivante. Houchemagne avait atteint dans la facture la perfection du métier. Le fond se composait d’un paysage de l’Île-de-France, sobrement traité, ou l’on reconnaissait, à leur douceur de lignes, les méandres de la Seine.

— Ah ! l’animal ! prononça simplement Pierre Fontœuvre, après qu’ils furent tous demeurés béants une longue minute devant le tableau. Ah ! l’animal !

La petite Fontœuvre était haletante d’enthousiasme ; elle signalait l’un après l’autre tous les morceaux, depuis la main qui tenait une rose jusqu’aux ailes à demi ouvertes, d’une blancheur si caressante, si moelleuse !

— Ce sont ces fameuses ailes dont Addeghem m’a conté l’histoire, dit son mari. Houchemagne a fait poser en même temps une femme et un cygne que deux hommes tenaient et qui s’ébat-