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ménager la faiblesse du malade, fut admis à pénétrer dans l’atelier, à venir regarder son fils. Il resta plus d’une heure immobile devant le lit, à contempler le visage ravagé du grand artiste, son enfant. Il ne pleurait pas. Il ne pouvait comprendre que celui qu’il croyait si puissant et supérieur fût devenu là pareil à un pauvre homme, et l’étonnement surpassait en lui le chagrin. Mais la douleur de Jeanne lui donnait pourtant peu à peu la clef de son malheur, et c’est en la voyant souffrir qu’il finit par avoir le sens de la perte prochaine. Alors il murmura seulement, et par intervalles :

— Pauvre petit gàs !… pauvre petit gâs !…

Il le revoyait en habit de première communion, si joli, d’air si sage ; plus jeune encore, en galoches, en tablier noir, les yeux si grands, si pensifs déjà ; et plus petit encore, dans les bras de sa mère, un soir d’été qu’on se sentait heureux dans la vieille maison de Triel.

Et il mâchonnait ses joues rasées, anéanti, écrasé devant le mystère de la vie, de la fuite de tout…

Par moments, il se distrayait de sa peine en regardant les immenses toiles des murailles, l’œuvre formidable de son « petit ». Est-ce qu’un garçon pareil, fait pour dominer le monde, allait mourir à trente-sept ans, comme un maçon, comme un charretier ? Était ce juste ?

En dormant, Nicolas poussa une plainte. Ce