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— Il faut que je vende, continua Nicolas amèrement. Je ne suis plus qu’un tâcheron travaillant pour son salaire. Qu’importe mon tableau, pourvu que j’en sois payé !

Jeanne se détourna vers le vitrage et resta longtemps silencieuse. Au bout de plusieurs minutes, elle revint à son mari, tout en pleurs.

— Nicolas, lui dit-elle en lui prenant les mains dans un geste affectueux dont elle semblait se ressouvenir soudain, Nicolas !…

Mais elle ne put aller plus loin. Elle qui avait supporté stoïquement et sans faiblir l’aveu de la trahison, elle qui n’avait pas proféré une plainte en apprenant qu’elle n’était plus aimée, et qui avait toujours dissimulé ses larmes à son mari, perdait tout courage enfin devant la déchéance du génie de Nicolas. Voir celui qu’elle avait tant admiré s’avilir à une besogne commerciale, était au-dessus de ses forces. Elle eut une affreuse crise de sanglots dont Nicolas dut subir le spectacle déchirant. Jamais il n’avait connu d’elle qu’une douceur souriante, ou de petits chagrins qu’au temps de l’amour elle venait pleurer sur son cœur. Le désespoir d’une telle femme, sa soudaine défaillance lui causaient une pitié respectueuse et troublée.

— Ma pauvre amie, lui murmurait-il, ravagé d’émotion, ma pauvre amie, tu as subi avec héroïsme de plus cruelles blessures ; résigne-toi encore à celle-ci. L’art n’est plus, pour moi. Et