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esquissés à peine et il en résultait un effet plus saisissant. Nicolas lui-même tressaillait quand il apercevait ce regard dans cette face blanche ; il en était obsédé, quelquefois effrayé. Il en vint à reculer le chevalet à l’autre bout de l’atelier, sous le Sphinx. Mais alors, n’étant plus distrait, il se remettait à considérer l’immense toile, sa Multiplication des Pains, si lamentable à force de s’éterniser là. L’envie le prenait parfois de la crever, d’en jeter au feu les lambeaux ; il s’amusait amèrement de cette foule contemplant le vide, de ce paysage au trait noir, de cet enfant surtout, l’enfant aux cinq pains d’orge et aux deux poissons, dont quelques taches de couleurs marbraient la joue. Mais jamais le désir de peindre ne l’effleurait plus. La fièvre intérieure qui l’agitait ne lui eût même pas laissé tenir un pinceau. Deux idées ne pouvaient se suivre logiquement dans son esprit. Le désespoir d’être retombé dans son adultère en faisait comme un damné vivant. Cependant, il savourait encore son supplice quand il pensait que c’était pour le bonheur ingénu de Marcelle qu’il l’endurait.

Enfin, il lui fallut aviser au moyen de payer ses dettes en faisant commerce de son art. Et, après avoir échafaudé mille combinaisons, il décida de se rendre chez les fils Vaugon-Denis.

C’étaient les derniers jours de l’exposition de Pierre Fontœuvre ; quelques personnes stationnaient dans les galeries. Nicolas entra, indifférent