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charmant ; et elle s’était laissée vieillir misérablement plutôt que d’entamer la paix de sa conscience. Elle n’avait joui ni de sa beauté, ni de sa jeunesse, ni de son amour, ni de son talent. Elle vivait inconnue, dans la détresse, mais victorieuse de son propre cœur ; et son œuvre s’achevait noblement, enrichie de tous les sacrifices de cette âme austère, soutenue par la sérénité. Et Nicolas pensait à l’avenir de Marcelle. Qu’avait-il fait d’elle ? Quels seraient les chemins de sa vie ? Est-ce que les conséquences d’une faute ne se prolongent pas à l’infini ?

— Mademoiselle Arnaud, reprit-il enfin, c’était l’orgueil qui m’enfermait avec mon œuvre dans ma tanière. Je suis un simple artiste travaillant dans la douleur : j’ai besoin d’être aidé. Oh ! tout le monde n’entrera pas ici ; mais miss Spring et vous, vous êtes deux lumières spirituelles qui ne pouvez que m’éclairer.

Elles le regardaient, anxieuses. Comme il avait changé et pâli, et comme sa barbe grisonnait !

— Vraiment, vous n’êtes pas malade, cher monsieur Houchemagne ? demanda l’Anglaise.

— Mais non, mais non, miss Spring ; j’ai la santé indestructible des vignerons de chez nous.

— Oh ! dear, je vous trouvais si fatigué !

— Spring, ma chère, vous vous étonnez ? dit Blanche Arnaud. Vous voudriez qu’il ne soit pas comme une femme qui a enfanté, l’artiste qui, au prix d’un tel effort, vient de jeter sur la toile une